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Les Palabres Radieuses

27 février 2011

Benjamin

Lorsque nous avons emménagé à Coutras, Benjamin frappa à notre porte pour récupérer le ballon qu'il avait envoyé dans notre jardin. Il était du même âge qu'Adrien et vivait avec sa mère dans une impasse à côté de chez nous, une seule maison séparait nos deux jardins. Nous avons donc commencé à aller voir Benjamin de temps en temps puis de plus en plus souvent, nous passions presque toutes nos journées avec lui pendant les vacances et toutes nos soirées durant les périodes scolaires. Benjamin était gentil, rondouillet, il riait tout le temps et je me souviens que notre mère l'appelait "Benben". Sa maison était basse de plafond et sombre, il y avait peu de pièces, ça sentait clairement le manque de fric, mais pas à nos âges... Benjamin avait une armée de hamsters et plusieurs chats qui avalaient en douce un ou deux rongeurs de temps en temps ; il avait aussi la playstation 2 ce qui nous fascinait profondément car nous jouions encore à la nintendo 64. C'était la seule personne avec qui nous parlions à Coutras.

Benjamin était toujours partant pour faire tout et n'importe quoi ! Nous allions tous les trois essayer de pêcher les carpes dans la Dronne ou bien nous jouions à invoquer les esprits grâce à une planche Ouija faite maison. Nous nous étions également ligués contre nos voisins du milieu car ils étaient extrêmement méchants et ils élevaient 40 chiens de race dans leur jardin microscopique en pleine ville, ce qui faisait un bruit épouvantable. Une fois, Benjamin intercepta un colis qui leur était destiné et nous convia à l'ouvrir et à le détériorer, nous avions ensuite tout balancé dans leur jardin ni vu ni connu! 

A partir du moment où Adrien est parti vivre chez notre père, Benjamin continua à passer du temps avec moi malgré nos 3 ans d'écart, il avait même été embauché pendant un temps par ma mère pour venir me chercher à la sortie de l'école. Il s'occupait bien de moi, il me montrait ses jeux vidéo et m'y faisait jouer et on regardait la télé ensemble pendant le gouter. Je ne me souviens d'aucune conversation avec lui. Je ne savais que très peu de choses de Benjamin, j'étais seulement très admirative car il acceptait de jouer avec moi, chose que mon frère du même âge refusait catégoriquement. 

Un jour en rentrant de l'école, j'apperçus des voitures de la police garées devant chez lui. Intriguée, je suis allée voir et je découvris avec horreur que Benjamin et sa mère avaient été victimes d'un cambriolage. Les voleurs avaient cassé un carreau pour entrer et avaient seulement volé la playstation et ses jeux. Je compris bien plus tard que toute cette affaire était bidon, que Benjamin avait organisé ce cambriolage pour toucher l'argent de l'assurance. Sa mère construisit un grand mur pour protéger leur maison.

Petit à petit notre relation s'estompa, Benjamin commença je-ne-sais quelle formation tandis que je découvrais de mon côté les joies du collège. Je n'entendis presque plus parler de lui, Adrien avait gardé quelques contacts avec lui mais rien de bien important, apparemment lui aussi était tombé dans la drogue. Quelques années plus tard, après avoir déménagé un peu plus loin dans la même rue, je croisai Benjamin, devant chez lui. Je faillis ne pas le reconnaitre, il était maigre, sa voix avait changée et il sentait l'essence. Il me salua très poliment et en rentrant chez moi je me souvins l'avoir souvent vu prendre des médicaments lorsque nous étions petits. C'était des coupe-faim.

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26 février 2011

Adrien

Mon frère est un monument. 

Lorsqu'il était bébé il avait essayé d'avaler un crapaud, plus tard il m'entraina dans ses aventures. Ayant trois ans de plus que moi et étant extrêmement jaloux, il essaya maintes fois de m'abandonner dans la forêt ou sur un bord de route. D'autrefois, je lui servais de cobaye, je testais le courant électrique des barrières des fermes ; il me faisait manger des croquettes ou des piments en les faisant passer pour des amandes... etc. Malgré ça, il me sauva des eaux, durant quelques minutes d'inattention de notre mère j'avais réussi à me faire aspirer par je ne sais quoi au fond d'un étang et Adrien, du haut de ses 8 ans, n'avait pas hésité à plonger pour me repêcher. 

Il était joueur, bagarreur, menteur, sadique et voleur mais il était également très sensible ce que je compris bien plus tard. Lorsque nous avions 6 et 9 ans, nos parents décidèrent de se séparer, notre père s'installa avec sa copine et son fils, Matthias. Nous leur rendions visite un week-end sur deux. 

Lors du passage de mon frère au collège, ma mère décida de partir de la campagne pour s'installer à Coutras. Adrien s'acoquina bien évidemment avec tous les petits caïds du coin et notamment avec Benjamin, notre voisin du même âge que lui, avec qui nous fîmes les quatre cents coups. Adrien passa sa Sixième à terroriser les petites vieilles du quartier puis ressenti vivement le manque de notre père. Il décida alors de partir vivre chez lui, seulement notre père avait déménagé dans le Lot-et-Garonne et de ce fait, le trajet était beaucoup plus long. Mon frère ne venait plus que pendant les vacances. 

Très vite, il se lia d'amitié avec tous les jeunes du village de Loubressac et il s'entendit à merveille avec notre demi-frère, Matthias. Adrien ne supportait pas le collège, il a toujours détesté la discipline et l'autorité. Cependant, notre père l'éduquait de manière très sévère mais absolument pas pédagogique, ce qui le repoussait encore plus. Lorsqu'il eut 13ans et moi 10, notre belle-mère nous annonça que nous allions avoir un petit frère, à partir de là, ce fut la descente aux enfers.

Nous n'avions jamais eu de problème avec notre belle-mère, Dominique, jusqu'à ce qu'elle accouche de Léo, notre nouveau demi-frère. Elle devint méchante, sadique et manipulatrice. Adrien vivait à plein temps avec elle, alors que je ne la subissais que pendant les vacances. Arrivé en 3ème, il ne tint pas le rythme de travail imposé et ses moyennes baissaient dangereusement. C'est alors que notre père décida de le faire redoubler. Mon frère le vécu très mal, il se renferma, il ne travailla plus, et commença à toucher à toutes sortes de drogues, il était fasciné par ça. Il fuguait, mentait ouvertement, volait, se battait... Adrien en voulait profondément à notre père, et Dominique s'arrangeait toujours pour lui faire miroiter des choses et de les lui arracher après l'avoir fait espérer. Il vivait un enfer et voulait à tout prix s'échapper de cette prison. 

La dernière année qu'il passa chez eux fut la pire. Matthias, ne supportant plus sa propre mère, décida de partir vivre à Albi, loin de Loubressac et laissa donc Adrien seul dans la fosse aux lions. De plus, notre grand-mère paternelle, Renée, devenue paranoïaque et mythomane, commença également à s'en prendre à lui. Elle affirmait à notre père avoir vu voler Adrien dans son porte-feuille et inventait toutes sortes de mensonges l'accablant et ne pouvant être démentis. Mon frère s'enfonçait de plus en plus profondément dans un mutisme des sentiments, il était comme vide, mais parfois également très en colère. Durant toutes les années où il vécu chez notre père, Adrien et moi n'avions presque aucune affinité.

A 17 ans, il trouva une formation bac pro dans une école d'ébénisterie à Revel du côté de Toulouse. Il partit vivre à l'internat, soulagé, mais emporta avec lui tous ses fantômes.

26 février 2011

"Vous m'avez inventée et je me suis plu."

 

  

Nous vivons grâce à ce que raconte les autres de nous.

 

 


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